Inclure les participants plutôt que briser la glace !
Lorsque l’on facilite une réunion, le démarrage est un moment crucial qui peut changer radicalement la posture des participants et la richesse des échanges qui s’ensuivent. Hors bon nombre de temps collectifs commencent sans ce moment, ou (pire !) par un “Ice breaker” ou autre activité « fun » sans aucun lien avec les besoins réels du groupe. Car briser la glace peut être un besoin, mais de notre expérience il est loin d’être le plus courant. Cet article explore cette capacité subtile du facilitateur à inclure les participants dans un moment collectif autour d’un sujet donné. Plutôt qu’“Ice Breaker”, nous appelons donc ce moment “Inclusion”.
Inclusion ? Pour quoi faire ?
C’est LA question primordiale qu’on peut décliner par : “De quoi le groupe a-t-il besoin ? Avec quoi arrivent les participants ? Quels sont les freins qui peuvent les empêcher d’être pleinement dans ce moment ?”
En fonction de la réponse à cette question, l’inclusion peut prendre des formes complètement différentes.
Connecter les participants entre eux, au sujet, générer une prise de conscience, améliorer la qualité de présence de chacun, énergiser, ou laisser les participants partager ce qui est présent pour eux : en fonction du besoin détecté, voici des exemples d’inclusion qui peuvent aider le groupe à démarrer du bon pied.
Pour connecter les participants
Les participants ne se connaissent pas ou ont peu l’habitude de se côtoyer ?
Bien souvent, le besoin réel est de permettre à chacun de gagner en confiance pour prendre la parole dans le groupe. Les traditionnels “tours de table” visant à se présenter sous l’angle de la fonction professionnelle répondent mal à ce besoin car ils ne permettent pas de valider qu’il y a assez de bienveillance dans le groupe pour lever les éventuelles craintes.
On pourra en fonction du temps disponible :
- Proposer une présentation appréciative croisée en binôme : “Chacun, racontez un moment de fluidité / où vous vous êtes senti pleinement à votre place / vivant [ajouter un lien au sujet]”. À la fin de ce temps, on demandera à chacun de présenter son binôme et ce que l’histoire racontée dit de lui.
Les récits de moments positifs pour la personne révèlent souvent des qualités, des valeurs fortes pour elle. C’est un très beau moyen de connecter les participants entre eux. Le temps de la réunion doit être relativement conséquent, car il est difficile d’accorder moins de 30’ à cet exercice. - Si le temps est court, le photolangage peut être une bonne option, en adaptant l’invitation au besoin de faire connaissance : “Choisissez chacun 2 images : une qui dit quelque chose de vous, une autre qui représente l’état d’esprit dans lequel vous abordez ce moment.”.
Ici, le photolangage permet de présenter chacun sous un angle qui donne à voir un peu de sa personnalité, et de valider que l’on peut révéler un peu de soi-même sans danger dans ce groupe.
Pour permettre à chacun de se connecter au sujet
Vous sentez les participants loin du sujet parce qu’il est nouveau ou parce qu’on ne l’a pas évoqué depuis longtemps ou encore parce que l’on n’a simplement pas pris le temps d’y réfléchir avant la réunion ? Si l’on démarre en l’état, on risque fort d’avoir des discussions de peu de valeur, ou de voir un participant davantage “dans le sujet” que les autres prendre les rennes et avancer seul.
On pourra par exemple proposer l’exercice des 4 cadrans : chacun prend une feuille, la sépare en 4 cadrans et répond dans chacun d’eux à 4 questions/invitations permettant de se connecter au sujet. Par exemple :
- Un évènement qui m’a marqué ces derniers temps en lien avec le sujet
- Un constat que je fais autour de ce sujet
- Une question que je me pose
- Une chose que j’ai envie de partager
puis on partage tous ensemble.
Pour provoquer une prise de conscience
C’est un cas fréquent en formation, mais il est présent dans d’autres situations, lorsque par exemple on sent que l’on a besoin de questionner une habitude bien ancrée.
Le meilleur levier à notre connaissance est le petit atelier rapide « bousculant ». L’atelier est alors forcément spécifique, il en existe pléthore.
Par exemple pour aborder le sujet de l’auto-organisation, nous utilisons fréquemment le “jeu du classement” : on demande au groupe de se classer par ordre de naissance dans l’année, ou autre critère similaire, dans un premier temps avec un “pilote” (quelqu’un à qui on confie la responsabilité de cet objectif), puis dans un second temps en mode auto-organisé (sans pilote, le groupe se débrouille). Le second mode est bien plus efficace.
Après ce type d’atelier, pas la peine d’aller chercher l’énergie des participants, on ne les arrête plus !
Pour inviter une meilleure qualité de présence des participants
Certaines réflexions collectives nécessitent que chacun travaille sa posture pour permettre d’éviter les biais habituels qui nuisent à la qualité des échanges. Quelques biais habituels, souvent inconscients :
- On cherche plus à faire passer son idée qu’à être curieux de celles des autres,
- On cherche plus à parler qu’à écouter,
- On est plus enclin à objecter qu’à proposer,
- On a envie de parler de plein d’autres sujets,
- On cherche plus un coupable qu’une solution,
- …
Voilà, et la liste est loin d’être complète. Un exemple de sujet est la réunion d’amélioration qui passe par identifier les dysfonctionnements passés et qui peut vite tourner à la recherche de coupable avec le jeu de justification – accusation stérile qui va avec.
Voici 2 exemples d’inclusion permettant de limiter ces risques :
- Le centrage rapide (5’) : proposer au participants de fermer les yeux, de prendre 3 grandes respirations, on peut les guider tranquillement à se concentrer simplement sur leur respiration, à écouter ce qui se passe au niveau du corps. On termine par l’invitation à se poser pour soi-même la question (à adapter) : “Quelle qualité ai-je envie d’incarner aujourd’hui ?”.
Cette inclusion peut créer de l’inconfort. Le droit de retrait est bienvenu : “ceci est une invitation, sentez-vous libres de faire ce qui est confortable pour vous pendant les 5 minutes qui suivent.”. - La charte d’interaction (15’) : on écrit ensemble ce sur quoi nous nous mettons d’accord sur notre manière d’interagir afin d’optimiser nos chances de succès collectif. En tant que facilitateur, vous pouvez contribuer, mais bien souvent le groupe est très conscient de ce dont il a besoin.
Pour énergiser
C’est un besoin typique des réunions qui démarrent à 14h, on le connaît tous et pourtant, on a souvent tendance à ne pas vraiment en tenir compte.
Voici ce que nous faison dans ces cas-là :
- Simplement une inclusion parmi celles proposées plus haut, mais debout !
- Démarrer le premier quart d’heure en allant marcher dehors, on peut par exemple demander à chacun pendant 5’ de simplement marcher en silence, puis avoir un échange sur les 10’ restantes sur “l’état d’esprit de chacun par rapport au sujet” par exemple.
- La douche friction : on l’utilise régulièrement : on annonce que nous allons prendre une douche collective (“Ha ! Ha ! Ha !”), puis on demande aux participants de se savonner (sans savon !) énergiquement, puis après rinçage virtuel, de chasser l’eau avec leurs mains, puis de secouer mains et pieds. Efficacité et rires garantis !
Cet atelier nécessite un peu d’aplomb et d’énergie de la part de l’animateur, plus facile lorsqu’on l’a déjà joué dans un cercle de confiance !
Pour permettre à chacun de partager ce qui est présent pour lui
C’est en fait le cas le plus fréquent : pas de besoin “dominant” identifié pour ce groupe, les besoins éventuels ne sont connus que par les participants eux-mêmes et peuvent être de natures variées :
- D’autres sujets en tête à évacuer,
- Besoin de partager un état (fatigue, stress, …),
- Quelque chose d’important à partager sur le sujet du jour,
- …
On pourra par exemple :
- inviter les participants à prendre chacun la parole avec une invitation simple comme : “Quel est chacun, en quelques mots, votre état d’esprit en arrivant dans ce moment qui nous réunit [on peut rappeler le sujet] ?”.
- utiliser le photolangage pour faciliter la prise de parole si on en sent le besoin avec une invitation adaptée comme “Choisissez une image qui représente ce qui est présent pour vous en arrivant dans ce moment qui nous réunit [on peut rappeler le sujet] ?”.
Quelques attentions plus transverses
- Adapter le temps accordé à cette phase en fonction de l’enjeu de l’inclusion et du temps de la réunion. Pour une heure de réunion, on n’accordera généralement pas plus de 5 à 15’ en fonction de l’importance du besoin identifié.
- Ne pas chercher à renouveler systématiquement le format de l’inclusion : l’important est qu’elle corresponde au vrai besoin du moment. Certaines inclusions fonctionnent même mieux avec l’habitude.
- Le droit de retrait est une bonne pratique pour certaines activités d’inclusion. Souvent, il suffit à mettre à l’aise les plus réticents (“On ne m’oblige pas à faire un truc que je n’ai pas envie de faire, donc … Ok, je veux bien essayer !”).